Quel sens à ma vie ?

Par Idris Lahore
À un moment ou à un autre, chacun se demande si la vie vaut la peine d'être vécue, mais une telle question est signe d'immaturité car l'être humain est capable de donner à sa vie de nombreux sens, du plus superficiel au plus profond, du plus matériel au plus spirituel.
[NdlR : ce qui suit est la version abrégée d'un article publié dans le numéro 55 de Science de la Conscience]

1. Pas de sens, pas de but

Certains pensent que leur vie n'a pas de sens, ne vaut pas la peine d'être vécue. C'est triste et douloureux, mais c'est une des conséquences les plus directes et néfastes de notre société de (sur)consommation, qui crée sans cesse de nouveaux besoins artificiels dont la satisfaction est de courte durée. Cependant, cette attitude est infantile, voire maladive : elle est le fait de personnes irresponsables ou névrosées, incapables de donner un sens à leur vie parce qu'elles ne sont plus en contact avec leurs besoins réels, essentiels.
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2. Bien-être et plaisir

La plupart des humains donnent à leur vie un sens terrestre, ils cherchent surtout des plaisirs matériels : maison, vacances, santé, confort, argent ou tout ce qu'on peut obtenir avec l'argent. C'est parmi eux qu'on trouve les vrais égoïstes qui ne tiennent aucun compte des autres : "Pourvu que j'y trouve mon avantage, moi". Je me souviens d'un individu de ce genre, dont l'enfant est né handicapé : il a divorcé parce qu'il fallait se lever la nuit pour s'en occuper. C'est un cas extrême, mais de nombreuses vies, de façon moins évidente, ressemblent à cet extrême.

3. Lutte et conflit

Sont égocentrés aussi ceux dont la vie n'a de sens que dans la compétition ; ils veulent être les premiers, les meilleurs. Non seulement ils sont, comme les précédents, indifférents au sort des autres, mais ils cherchent en plus à les écraser, à les éliminer, puisque leur vie n'a de sens que s'ils gagnent. Ils peuvent même aller jusqu'à les tuer puisqu'ils considèrent comme leurs ennemis tous ceux qui ne sont pas, ne pensent pas, ne font pas comme eux. Ces êtres veulent le pouvoir à tout prix. Ils sont de la race des grands dictateurs ou des petits tyranneaux familiaux ne connaissant que leur propre volonté de puissance. Peu leur importe que des milliers de jeunes gens deviennent de la chair à canon... Une seule chose compte : gagner, et ils trouvent toutes sortes de bonnes raisons pour justifier leur position.
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4. Renommée et vanité

Egocentrés aussi sont ceux qui ne trouvent de sens à la vie que s'ils sont enviés et admirés, ou craints et détestés. Saint ou ennemi public n° 1, peu importe : la renommée à n'importe quel prix ! On trouve parmi eux beaucoup de politiciens et de célébrités mais, à moindre échelle, vous en reconnaîtrez parmi vos voisins, collègues et parents, car c'est un type très répandu dans nos sociétés.

5. Famille et couple

Certains donnent un sens à leur vie à travers leur couple ou leur famille. C'est peut-être le sens le plus communément répandu : être un bon père ou une bonne mère de famille. Leur fonction est la procréation et la conservation de leur progéniture. C'est un sens naturel lié à la perpétuation de l'espèce humaine, donc un service rendu à l'humanité.
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6. Humanitaire (Espèce humaine)

Certains ont compris que le monde ne s'arrête pas à eux, ni à leur famille, et s'étend à tout être humain. On peut s'engager dans une cause humanitaire pour de nombreuses raisons, mais ces gens paient de leur personne en partant sur le terrain, là où ils peuvent aider de façon concrète et volontaire.

7. Écologie (Terre)

Pour ceux qui s'engagent au service de la Terre, le monde ne s'arrête pas aux humains et englobe les mondes animal, végétal, minéral. Leur motivation est de préserver la vie, pour que l'évolution se poursuive avec le moins de souffrance possible pour tous les êtres, pas seulement pour eux-mêmes ou pour l'humanité. Ces personnes sont consciemment ou inconsciemment poussées par des forces qui les obligent à s'engager pour l'environnement. C'est la mode actuellement et c'est une bonne mode.

8. Science (vérité)

Eux sont moins attachés à ce qui est d'ordre matériel. Ils recherchent un savoir, leur but est d'apprendre ou de découvrir. Les chercheurs scientifiques sont de ceux-là, ainsi que tous ceux qui considèrent la connaissance comme une nourriture de l'esprit.

9. Art (beauté)

Pour l'artiste, la vie n'a de sens qu'à travers la recherche du beau. Ces personnes vivent pour le beau et essaient souvent de vivre par lui, même si leur idée du beau ne peut être que subjective. Tous les sens que les êtres humains donnent à leur vie sont subjectifs.

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10. Religion (bonté)

Eux ne peuvent donner de sens à leur vie que par la religion. Leur but est le salut.

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11. Spiritualité

Cette catégorie regroupe ceux qui donnent à leur vie un sens plus spirituel. Là est la véritable aventure, qui fait entrer en contact avec tout ce qui est, tout ce qui a été, tous ceux qui ont existé. Nous pouvons remonter jusqu'au début des temps, et même au-delà, dans des dimensions qui dépassent complètement l'entendement humain.
Voilà selon moi la véritable aventure, mais elle passe nécessairement par la découverte de qui je suis réellement : voir la réalité de ma fragmentation, de mes moi multiples qui essaient de s'imposer, qui se succèdent constamment, qui veulent me faire croire qu'ils sont ce que je suis alors qu'ils ne sont que des aspects de ma personnalité. Seul celui qui arrive à un contact réel avec son essence est capable d'avancer sur le chemin de cette aventure véritable qu'est la spiritualité. Tous les autres errent d'un petit moi à un autre.

Un chemin de libération et de connaissance

Le chemin spirituel s'appelle aussi un chemin de libération : il faut se libérer pour qu'autre chose devienne possible. Celui qui est prisonnier d'un de ses moi ne peut pas imaginer le reste. Il est comme un poisson dans son bocal. On ne peut pas lui raconter ce qui se passe à l'extérieur du bocal et encore moins à l'autre bout de l'univers.
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Telle est la situation de l'être humain tant qu'il n'a pas vu ses limitations et qu'il ne s'en est pas délivré, au moins dans la mesure nécessaire, de ses traits négatifs. On appelle aussi le chemin spirituel un chemin de connaissance parce qu'il faut d'abord apprendre que quelque chose existe. Le monde est limité, pour chacun, par les connaissances qu'il a. Le mental humain fonctionne ainsi : s'il est dominé par la peur, il nie, évite et préfère oublier toute notion trop nouvelle ou bizarre pour lui.

Ce que veut dire "donner un sens à sa vie"

Auditrice : Pour revenir aux sens qu'on peut donner à sa vie, ces différents sens peuvent être mêlés, je suppose ?
C'est le cas chez la majorité ! Beaucoup de gens veillent à leur bien-être personnel, aiment leur famille, ont pour habitude de se battre avec les autres et même de les écraser un peu de temps en temps, attachent beaucoup d'importance à ce que les voisins disent d'eux, lisent des ouvrages scientifiques ou littéraires, achètent des reproductions d'œuvres d'art et, en plus, vont à l'office religieux chaque semaine... Mais ce n'est pas ce que j'entends par "donner un sens à sa vie". Donner un sens à sa vie, c'est s'engager pleinement dans une direction, et ceci se constate au niveau du temps, de l'énergie, des efforts, de l'argent peut-être, des pensées, etc., qu'on y consacre. C'est un but qu'on se fixe et ce sont les moyens qu'on se donne pour l'atteindre.
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Fixer un but et se donner les moyens

Pour atteindre un but, il faut utiliser les moyens qui correspondent à ce but et suivre les lois de fonctionnement qui y mènent. Il faut donc connaître ces lois, les comprendre et surtout les appliquer. Mais certains moyens s'opposent aux principes qui régissent d'autres buts. La sagesse populaire ne dit-elle pas qu'on ne peut pas servir deux maîtres à la fois ? On ne peut pas poursuivre à la fois le supérieur et l'inférieur, le spirituel et le matériel. On peut vivre l'un et l'autre mais, quant au sens premier qu'on veut donner à sa vie, il faut choisir et c'est difficile à cause de tous ces petits moi en soi qui veulent chacun autre chose.

Se situer au-dessus de l'ordinaire

Auditeur : Donner un but supérieur à sa vie signifie-t-il exclure tout le reste ?
Celui qui veut donner un sens supérieur à sa vie ne rejette pas le reste, mais il en reconnaît les limites. Comprenez bien : il n'est en opposition avec rien de ce qui est vrai dans le reste. C'est pourquoi il peut être un bon père ou une bonne mère de famille, être engagé dans une forme de lutte sociale, être quelqu'un dont on parle ; il peut aimer l'art ou la recherche scientifique, il peut appartenir à une religion. Mais il en connait les limites et il veut aller au-delà. C'est cela, le chemin spirituel.
Cet être ne sera pas sans cesse tiraillé : un jour dans la direction de l'argent, le lendemain par ce que les autres vont penser de lui, ou encore dans la direction de son âme qui veut s'élever. Il a mis son chemin au-dessus de tout et peut vivre ce qui est inférieur sans tiraillements mais, parce qu'il en comprend les limites, il ne le prend plus totalement au sérieux et, en tout cas, jamais au tragique.

Il comprend qu'un jour, la famille se disperse et que ce n'est pas un drame, c'est dans la nature des choses ; il comprend qu'on peut vivre dans un certain confort et avoir ensuite des revers de fortune, qu'on peut être en bonne santé et soudain tomber malade, et que ce qu'il y a de mieux à faire alors, c'est d'accepter sans y ajouter de plaintes. Il comprend que les autres ont une image de nous, que nous donnons une image de nous et que nous sommes ainsi toujours dans une fausse réalité, une fausse relation avec les autres, mais ceci fait partie de la vie jusqu'à ce que chacun arrive à être vraiment lui-même. Il comprend aussi qu'il faut parfois se battre avec ceux qui se croient nos ennemis, quelquefois même avec ceux qui se disent des amis. Il comprend qu'il faut acquérir des connaissances et que plus on en a, mieux c'est, qu'il faut chercher toutes les manifestations de la beauté, cette force créatrice des mondes, et qu'il faut, comme le proposent les religions, être relié à un niveau supérieur ; il sait enfin que tant qu'on vit dans sa personnalité superficielle, ce ne peut être que de façon très imparfaite...

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Celui qui donne un sens supérieur à sa vie connaît les aspects positifs des autres sens, mais connaissant leurs limites, il veut se situer au-dessus pour découvrir une vérité supérieure.

L'être humain peut choisir

Auditeur : De façon concrète, comment s'y prend-il ?
Il suit les règles de fonctionnement correspondant au but supérieur qu'il veut atteindre, et pour cela, il lui faut non seulement comprendre l'être humain, mais aussi les lois qui régissent les mondes. Si les lois qui régissent ce qui est de nature inférieure sont bien connues, il faut, pour ce qui est des mondes supérieurs, aller à la recherche de principes qui dépassent tout ce qu'on peut connaître. C'est pour cette raison qu'une école est nécessaire, que des instructeurs sont nécessaires. Sans eux, rien n'est possible, l'homme continue à errer avec sa nostalgie de quelque chose de plus élevé.
Tel est le choix proposé à l'être humain : il peut décider du but qu'il veut servir, du sens qu'il donne à sa vie. Vous pouvez décider que la vie n'a pas de sens et rester névrosé ou immature. Vous pouvez choisir d'être un bon père ou une bonne mère de famille : vous servirez à la survie de l'espèce et à la production de l'énergie nécessaire à la vie organique. Vous pouvez décider de ne vivre que pour votre propre bien-être, et en utilisant les autres. Vous pouvez continuer à accorder une importance primordiale à ce que les autres pensent et disent de vous, vous battre pour vous montrer toujours le meilleur, le plus fort. Ou bien, parce que vous n'êtes pas matérialiste et que tout ceci a pour vous peu d'importance, vous pouvez vous lancer de façon effrénée dans la recherche ou l'invention en installant un laboratoire dans votre cave ou votre grenier. Vous pouvez devenir peintre, sculpteur ou chanteur, ou un saint ou une sainte. Vous pouvez aussi décider de suivre un chemin spirituel, partir à la rencontre de l'esprit que vous êtes réellement et réaliser ainsi votre véritable nature.
 
Article publié avec l'aimable autorisation de la revue Science de la Conscience. 
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